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en pente douce, afin que les lapins qui auroient traversé le fossé à la nage pour s'en aller, ne pouvant gravir à l'autre bord, puissent revenir sur leurs pas et retourner sans danger à leur gite.

Cette opération, de pratiquer des fossés remplis d'eau autour de la garenne, produit encore l'avantage de pouvoir former dans l'intérieur quelques monticules favorables aux lapins avec la terre meuble qui est extraite des fossés, et de fournir à boire à ces animaux lorsqu'ils en ont besoin.

Lorsqu'on veut prendre des lapins de la gareane, on se sert de pièges, de filets ou d'espèces de trappes; les filets doivent être tendus vers le milieu de la nuit, entre les terriers et les lieux où les lapins vont pâturer; on les chasse avec des chiens et on les laisse renfermés dans les filets jusqu'au jour; ceux à ressort doivent être placés aux environs des meules de foin où les lapins se rendent en grand nombre; on pratique aussi de grandes fosses recouvertes d'un plancher au milieu duquel il y a une porte avec une petite trappe; ces fosses sont creusées aux environs des meules de foin, ou bien dans les champs scmés en turneps ou cultivés pour la nourriture d'hiver. La trappe reste fermée pendant quelques nuits, pour ne pas épouvanter les animaux; on l'ouvre ensuite pour les prendre. En vidant la fosse dans laquelle ils sont tombés, on doit séparer ceux qui sont en bon état, et on les assomme; on doit lâcher au contraire tous ceux qui sont maigres; vers la fin de la belle saison il est utile de rendre cette opération plus générale pour diminuer le nombre des males, en n'en laissant qu'un pour six à sept femelles ; moins on a de måles surabondans, plus on sauve de petits, parcequ'ils les détruisent fréquemment ; on peut aussi châtrer les mâles à mesure qu'ils tombent sous la main, et les lâcher ensuite dans la garenne; par cette opération ils deviennent plus gros, d'un manger plus délicat, ils ne sont plus daugereux pour les femelles, pour leurs portées ni pour les autres mâles, tandis qu'ils se livrent entre eux des combats cruels lorsqu'ils n'ont pas été coupés.

Quant on se sert de ce moyen pour prendre les lapins, il faut avoir grand soin de ne pas laisser trop remplir les fosses, car s'il y tombe un trop grand nombre de lapins, et qu'ils y restent pendant quelques heures, ils y sont étouflés, et l'on ne peut plus tirer parti que de leurs peaux.

Il ne faut employer ni le furet, ni le fusil pour chasser dans les garennes forcées; l'un et l'autre effraient les lapius et les dégoûtent de leur habitation. On peut se servir de plusieurs autres moyens qui n'ont pas cet inconvénient; quelques propriétaires ferment une grande quantité de trous des ier

le

riers tandis que les lapins sont au gagnage; ils les effraient ensuite pour leur faire chercher une retraite dans d'autres trous pratiqués exprès, et qui traversent les monticules. A l'un des bouts de ces passages ils ont tendu un filet, et par l'autre ils forcent les lapins, à l'aide d'une longue perche, à se sauver et à se prendre dans les filets. D'autres propriétaires suspendent à un arbre un large panier d'osier sur l'endroit où les lapins prennent ordinairement leur nourriture, ou bien sur la place où elle a été accumulée à dessein, et, par moyen d'une corde qui passe sur une poulie et vient aboutir à un cabinet dans lequel le chasseur est caché, il laisse tomber le panier doucement sur eux, lorsqu'ils ont été rassemblés à l'aide du sifflet ou de la voix; ensuite on les tire un à un par une porte pratiquée latéralement sur le panier, et l'on choisit ceux qu'on veut ôter à la garenne; il faut qu'il y ait plusieurs endroits garnis de ces paniers, ou bien qu'ils soient changés fréquemment de place, afin de ne pas effaroucher les lapins. On peut se servir encore d'une grande cage faite en osier ou autre bois, garnie d'ouvertures posées au niveau de la terre, et qui, par leur forme évasée extérieurement, facilitent l'entrée aux lapins, et les empêchent de sortir par les pointes qu'elles présentent intérieurement; on y met une nourriture qui leur soit agréable, et lorsqu'il en est entré suffisamment, on les retire par une porte pratiquée dans le couvercle plein qui les recouvre. Il y a plusieurs autres moyens simples que les circonstances et l'industrie du propriétaire pourront lui fournir, et dont il est inutile de faire mention ici; mais nous croyons devoir indiquer encore une disposition de garenne dont les longs succès ont garanti l'avantage; cette garenne est formée de trois enclos entourés de murs, excepté dans les points par lesquels ils communiquent ensemble. Les lapins en sortant du premier, qui est très étendu, et dans lequel ils terrent et se tiennent habituellement pour aller dans le troisième, où la nourriture sèche ou fraîche leur est abondamment fournie, passent dans l'enclos intermédiaire dont les murs sont garnis inférieurement, et à fleur de terre, de pots de grès qui représentent de faux terriers; lorsque les animaux sont au gagnage, on ferme la porte de communication avec l'enclos des terriers; ensuite on les effraie; ils vont tous se réfugier dans l'enclos intermédiaire, et se blottissent dans les pots de grès qui leur offrent une retraite apparente; là on les prend sans peine et l'on choisit ceux qui sont dans le meilleur état, en remettant dans l'enclos des terriers les mères et ceux des mâles ou des jeunes qui n'ont pas encore un embonpoint suffisant.

Les clapiers ou garennes domestiques sont nécessaires pour

le repeuplement et pour l'entretien des grandes garennes; la bonne tenue de ces petits établissemens mérite d'autant plus de nous occuper, qu'ils sont à la portée des plus pauvres culti

vateurs.

La forme des clapiers peut varier autant que les localités qui leur sont destinées, lorsque les lapins sont tenus sèchement, qu'ils sont séparés les uns des autres, et qu'ils sont convenablement nourris; ils sont toujours disposés à pulluler, et les mêmes soins peuvent leur être administrés.

afin

La meilleure exposition du clapier est le levant ou le midi; il est utile qu'il soit entouré de murs et couvert d'un toit qui le garantisse des injures de l'air et des attaques des fouines, des chats et des renards, qui sont des ennemis dangereux pour les lapins; lorsque le clapier n'est pas couvert d'un toit, il faut en couronner le pourtour avec des ardoises saillantes à angle aigu, et très avancées en dehors. La fondation des murs environnans doit s'enfoncer à un mètre et demi, ou deux mètres, et le clapier être pavé ou ferré à cette profondeur, que les jeunes lapins puissent fouiller la terre et soient arrêtés par cette barrière insurmontable, l'expérience ayant prouvé, contre l'assertion de plusieurs auteurs accrédités, qu'ils fouillent à l'état d'esclavage comme dans celui de liberté. Ce sol pierreux recouvert de terre, il faut y placer des cabanes pour les mères; ces cabanes doivent être élevées à dix-huit ou vingt centimètres de terre, et être construites en lattes serrées ou en planches fortes qui résistent à la dent des lapins, et laissent entre elles un libre passage à l'air; leur grandeur doit être de soixante-quinze centimètres à un mètre en tout sens; le fond doit être plein, soit en plâtre, soit en planches; il faut lui ménager une inclinaison douce d'avant en arrière, et quelques trous de distance en distance pour faciliter l'écoulement de l'urine; leur porte latérale doit s'ouvrir facilement et donner un libre passage à la litière qu'il faut renouveler de temps en temps; chacune des cabanes doit être garnie d'un petit râtelier de la forme de ceux qui sont en usage dans les bergeries: il sert à recevoir les fourrages verts ou secs qui sont destinés aux lapins, et à les empêcher de les fouler et de les perdre; il faut aussi que la cabane soit garnie d'une sibile pour le son et la graine qu'on doit donner particulièrement aux mères nourrices. Les cabanes doivent être assez bien fermées pour que les jeunes lapereaux ne puissent pas sortir à travers les barreaux; souvent ils s'y étranglent et périssent en voulant passer dans le commun général.

Un clapier de douze à quinze mètres de long et de quatre à cinq de large peut contenir vingt à vingt-quatre loges dont deux seront destinées pour les males, et deux autres, qui de

vront être le double des premières, serviront de commun aux jeunes lapins de cinq à six semaines, lorsque leurs forces ne leur permettent pas encore de courir en liberté dans le clapier. Ce nombre de loges peut être considérablement augmente, suivant la méthode pratiquée par quelques propriétaires, si on en met plusieurs rangs placés les uns au dessus des autres, en observant d'éloigner les inférieures toujours davantage du mur de clôture, afin que les animaux ne soient pas incommodés par l'urine qui coule des cabanes supérieures; mais, dans le commencement de l'établissement sur-tout, il ne faut pas trop multiplier les mères, parcequ'alors cette occupation qu'on s'obstine à regarder comme secondaire, et qui par son produit pourroit tenir une place distinguée dans l'éducation des animaux domestiques, deviendroit trop étendue, et que la négligence qui suivroit entraîneroit le découragement du propriétaire et la ruine du clapier.

On doit conserver dans la garenne un courant d'air continu, au moyen de croisées grillées à claire-voie; cette manière de renouveler l'air, très nécessaire sur-tout pendant l'été, est préférable aux fumigations de vinaigre et des plantes aromatiques qui ont été recommandées, et dont l'usage est au moins inutile avec cette précaution. Il est bon d'ajouter au bâtiment qui renferme les cabanes une galerie extérieure et ouverte, dans laquelle les lapins puissent aller prendre l'air et s'exposer au soleil ; ils rentrent ensuite dans le grand commun intérieur, en passant par des trous qui sont ménagés exprès pour servir de communication.

La nourriture doit être portée aux lapins tous les jours deux fois, une le matin, et l'autre le soir. Si elle est verte il faut la bien re-suyer avant de la mettre dans les râteliers ou sur le sol du clapier; cette nourriture doit être principalement composée des débris de tous les légumes du jardin, en observant de donner peu de choux, de salades, et généralement de toutes les plantes aqueuses et froides: l'herbe mouillée leur est funeste. Les feuilles et racines de carottes, toutes les plantes légumineuses, les feuilles et branches d'arbres de toute espèce, la chicorée sauvage, le persil, la pimprenelle, etc., peuvent former la nourriture des lapins pendant l'été ; on garde pour l'hiver les regains, les pommes de terre, les topinambours, les turneps, les betteraves champêtres, le fourrage du blé de Turquie, etc. L'usage du sel leur est aussi avantageux qu'à tous les autres animaux domestiques; il leur donne de l'appétit, et semble contribuer à entretenir leur bonne santé. Le son, les grains de toute espèce et l'avoine, lorsqu'il est facile de s'en procurer, doivent faire aussi partie de leurs repas; ils en mangent avec plaisir, et cette nourriture est

utile, sur-tout aux mères lorsqu'elles allaitent leurs petits. Il est très bon de varier fréquemment la nourriture des lapins lorsqu'ils sont en état de captivité.

On accuse mal à propos ces animaux de consommer une énorme quantité de fourrages; quelques auteurs ont avancé que dix lapins mangeoient autant qu'une vache; mais il paroît prouvé qu'il en faudroit au moins cinquante à soixante pour faire une semblable consommation; probablement les observateurs qui ont avancé ce fait ont compté la surabondance d'herbes qu'ils avoient données, et que les animaux avoient réduites en mauvaise litière.

C'est aussi une erreur de croire qu'il faut leur donner une nourriture plus substantielle à midi; la nature et l'observation indiquent au contraire qu'on doit les laisser reposer à cette heure à laquelle ils sont presque toujours endormis; il faut leur donner leur nourriture de très grand matin et le soir vers le coucher du soleil; c'est ordinairentent la nuit qu'ils mangent le plus avidement.

La qualité de la litière qu'on donne aux lapins domestiques est une des considérations les plus essentielles de leur éducation; le mauvais état de leur litière occasionne la plupart des maladies dont ils peuvent être atteints. La paille qu'on leur donne à cet effet doit être sèche et souvent renouvelée. L'époque du changement total de la litière doit avoir lieu toutes les trois semaines, et notamment environ huit jours avant l'époque à laquelle les mères mettent bas, et quinze jours après la naissance des petits. Il est bon, dans l'intervalle des changemens, de recouvrir d'un lit de paille fraîche l'ancienne litière. Dès les premiers jours de la naissance des lapereaux, on doit rechercher avec soin si la mère ne les a pas déposés dans l'humidité, ce qui les feroit infailliblement périr, dans ce cas, on les enlève avec précaution, et on les dépose dans l'endroit le plus sec de la cabane.

L'expérience a prouvé que cette opération faite convenablement ne nuisoit en aucune manière aux petits, et n'en dégoutoit pas la mère; mais il faut user modérément de cette ressource, et tâcher d'éviter l'inconvénient qui oblige d'y avoir recours, en nettoyant les cabanes à des époques fixes et se mettant en état de ne point les déranger dans les premiers moments; pour cela, il est très nécessaire de remarquer avec soin les époques auxquelles les mères ont été mises au mâle, afin de pouvoir les changer à temps, et leur enlever à propos la première portée, qui les détourneroit lorsqu'elles voudroient mettre bas la seconde.

Chaque lapine peut donner six à sept portées par année ; trois semaines apris qu'elles out mis bas, on doit remettre les mères

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