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Il paroit qu'on est convenu depuis long-temps en Hollande des caractères qui relevoient le mérite d'une jacinthe, et que les Français ont adopté sous ce rapport l'opinion des Hollandais, puisqu'ils les ont copiés mot à mot sur cet article.

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On veut, pour que l'oignon soit parfait, qu'il soit bien fait, c'est-à-dire ni trop large, ni trop long, proportion gardée. J'observerai ici, sur ces dimensions, que les amateurs qui ach tent des plantes d'un grand prix doivent donner toute leur attention à la forme de l'oignon. En effet, j'ai déjà observé que l'oignon étoit composé de tuniques qui n'étoient que la prolongation des feuilles. Il en résulte que l'augmentation des tuniques est proportionnée au nombre de feuilles qu'a reçu plante; aussi un oignon est d'autant plus vieux qu'il a plus de tuniques. Mais comme les feuilles partent du centre, il faut que la base de l'oignon s'élargisse tous les ans, et que la couronne des racines prenne de l'accroissement; et comme l'oignon ne dure qu'un certain nombre d'années, on doit avoir attention de ne choisir que ceux dont la couronne est petite, autrement on est exposé à les perdre en peu de temps. Les auteurs recommandent également de choisir des oignons passablement gros. Mais la grosseur doit être indifférente quand ils sont jeunes. Ils sont nécessairement proportionnés à la vigueur de la plante; et les bleues étant plus vigoureuses que les rouges, leurs oignons sont nécessairement plus gros. Comme je cultive cette plante depuis vingt-cinq ans, je puis assurer les amateurs qu'après avoir examiné et tâté un oignon, qui doit être ferme pour être sain, ils n'ont qu'à considérer sa base, et qu'en suivant mon principe ils ne se tromperont pas sur son âge, et conséquemment sur sa bonté.

On veut également que l'oignon soit lisse et non écailleux. Cette qualité est comme la grosseur, c'est-à-dire qu'elle dépend des espèces, les jacinthes blanches mêlées de rouge et quelques autres ayant presque toujours la peau défectueuse.

On désire également que les jacinthes ne poussent pas trop tôt leurs fanes; mais comme la tige sort de terre en même temps que les fanes ou feuilles, il en résulte que c'est vouloir retarder sa jouissance, et faire à une plante un reproche d'un mérite réel. Il est vrai que les gelées de février ou de mars pourroient endommager la pousse; mais si les Hollandais avoient l'attention d'indiquer les espèces primes dans leurs catalogues, on pourroit les planter à Paris, et on en seroit quitte pour les couvrir quand on craindroit des gelées. On prolongeroit ainsi des jouissances en faisant une planche prime et une tardive.

Il faut que les tiges soient fortes et puissent se soutenir sans

appui, ce qui n'est point commun; qu'elles aient de douze à vingt fleurs, suivant leur grosseur; il est quelques espèces qui en fournissent jusqu'a trente. Celles qui n'en ont pas plus de sept à huit ne sont pas estimées; c'est le reproche que l'on fait à celle appelée globe terrestre, que l'on ne conserve qu'à raison du volume et de la belle couleur de ses fleurs. Le vainqueur est dans le même cas.

Les tiges doivent en outre être droites, bien proportionnées, ni trop hautes, ni trop basses, également garnies de fleurs à une distance égale, et telle leur que masse ne forme qu'un bouquet en pyramide. Les feuilles doivent être d'un vert qui tranche avec les nuances de la fleur, et inclinées à quarante-cinq degrés. Les fleurs doivent être larges, conrtes, bien nourries et bien garnies de pétales dans les doubles; il faut qu'elles se détachent de la tige et se soutiennent dans une direction horizontale, pour qu'on en voie le cœur sans être obligé de les relever. Les pédicules doivent être forts et d'inégale grandeur pour que les fleurs forment la pyramide. Les couleurs doivent être nettes, vives et trancher sur le fond. Quand une jacinthe réunit toutes ces qualités, elle est parfaite; mais il en est fort peu dans ce genre, et il seroit à désirer qu'au lieu de s'attacher à la quantité des variétés on n'eût egard qu'à la qualité. Un amateur qui réduiroit ses planches à cent espèces choisies, présenteroit à coup sûr un plus beau coup d'œil que celui qui en réuniroit mille.

Plusieurs jacinthes ont le défaut d'avoir les fanes d'un vert jaune pâle, d'autres ne fournissent pas assez de sève à la tige pour faire réussir les dernières fleurs qui avortent. Ces plantes seroient depuis long-temps rejetées, si le désir de multiplier les variétés ne les avoit fait conserver.

Végétation des jacinthes. La végétation des jacinthes offre des singularités surprenantes, dont la connoissance peut être utile pour parvenir à une bonne culture. La lecture de l'ouvrage de M. St. Simon m'avoit déterminé à faire une suite d'expériences pour vérifier les siennes et en tirer quelques conclusions favorables à ses principes, ou qui m'en eussent démontré la fausseté. Les malheurs que j'ai éprouvés sous le régime révolutionnaire, et les travaux multipliés dont j'ai été chargé jusqu'à l'an 9, enfin mon déplacement, ne m'ont pas permis de les continuer jusqu'à ce jour. Je me contenterai donc ici de faire l'analyse de celles de M. de St. Simon, et d'en présenter les résultats. Les physiologistes seront à même de décider en cas d'erreur d'où elle provient, et de la rectifier.

J'ai dit plus haut que les tuniques qui formoient l'oignon de jacinthe n'étoient que la prolongation des feuilles ou fanes. Il en résulte nécessairement que le nombre de ces tuniques

augmentant tous les ans, l'oignon de semence est plus long que gros, et a sa couronne fort petite, mais que l'augmentation annuelle de ses tuniques le fait grossir et élargir sa base. Il n'y a nulle raison pour arrêter l'élargissement de la base; mais les tuniques se desséchant au bout de quelques années, un oignon peut en perdre, et en perd effectivement, en raison du nombre qu'il gagne; ce n'est alors qu'un remplacement, et l'oignon ne grossit pas; il n'y auroit dans cet état de choses d'autres motifs de destruction de l'oignon, puisque les tuniques se renouvelleroient après avoir subsisté quelques années comme les ra→ cines le font tous les ans, que les maladies de l'oignon ou ses ennemis, si sa base pouvoit également se renouveler. Mais comme elle reste la même à l'élargissement près, elle occasionne la mort de l'oignon ou plutôt sa division en un grand nombre de caïeux.

La durée de l'oignon varie beaucoup; elle dépend de la formation plus ou moins grande des tuniques par année. Ainsi, en examinant le nombre de feuilles que chaque espèce de jacinthe fournit par an, car elles n'en fournissent pas toutes également, les unes n'en ont que trois, d'autres en ont jusqu'à huit; on pourroit calculer à peu près la durée de l'oignon, je dis à peu près, parcequ'il est des espèces dont toutes les feuilles ne se développent pas; elles s'élèvent sculement du fond jusqu'à la hauteur de l'oignon, s'y arrêtent et forment des tuniques. Ainsi pour pouvoir affirmer quelle doit être la durée des oignons d'une variété de jacinthe, il faut calculer le nombre des tuniques produit chaque année, et on ne peut le faire qu'en sacrifiant un oignon par l'opération suivante:

On détache les tuniques les unes après les autres; on trouve de temps en temps des filets et on compte les tuniques qui se trouvent entre chaque filet. Plus il y en a, moins l'oignon dure.

Cette expérience est fondée sur la végétation de la plante. En effet, si on dépouille un oignon qui a fleuri trois fois après sa sortie de terre, on trouvera les trois tiges dans l'oignon; celle de la dernière fleur est au centre et n'est pas encore desséchée ; celle de l'année précédente est séparée de la première par quelques tuniques; enfin la troisième tige l'est également de la seconde par plusieurs tuniques; mais elle est de l'autre côté de l'oignon. Ces deux tiges sont desséchées, aplaties et de couleur cramoisi. On voit à côté de la première tige la pousse de l'année suivante composée d'un certain nombre de feuilles, dont les unes sortiront de terre, et les autres ne feront que des tuniques. La tige est au milieu et finit par prendre insensiblement le centre de l'oignon, dont elle écarte la tige de la dernière fleur qui est séparée de la nouvelle par les tuniques qui se forment eu

même temps que cette tige. Or, plus ces tuniques sont nombreuses entre chaque tige, plus la base de l'oignon s'élargit chaque année, et moins il dure.

La végétation des plantes simples étant toujours plus vigoureuse que celle des doubles, elles poussent un plus grand nombre de tuniques, et l'oignon dure moins. On voit par-là, non seulement qu'il est facile de s'assurer de la durée d'un oignon, mais qu'on détermineroit aisément le nombre de ses fleuraisons, si l'oignon, ayant pris toutes ses dimensions, les anciennes tuniques ne se desséchoient pas et ne se détachoient pas de l'oignon ainsi que les filets, quand ils sont parvenus à la surface. Cette différence entre l'augmentation des tuniques des oignons de jacinthes simples et doubles et de ceux de chaque variété est assez considérable pour qu'un oignon ne fleurisse que trois ou quatre fois pendant que la durée d'un autre sera de douze ou treize ans ; mais il est peu de variétés qui fleurissent aussi long-temps. Au surplus, les oignons qui vivent peu dédommagent les amateurs par une plus grande quantité de

caleux.

Tout le monde connoît les racines des plantes comme leur destination; l'on sait encore qu'un grand nombre d'entre elles, indépendamment de leurs propriétés d'attirer la sève et de l'élaborer, contiennent des germes qui donnent naissance à de jeunes plantes connues sous le nom de drageons, et que des racines, dont la tige étoit enterrée, sont devenues des tiges et des branches. Ces phénomènes de la nature ne nous surprennent plus; et lorsque nous voyons des truffes, des algues et d'autres plantes végéter sans racines, l'habitude de les voir nous rend familiers à cette variété inépuisable de la nature dans ses productions et leur végétation. Mais un phénomène d'un genre nouveau est celui que présentent les racines de la jacinthe; je dis nouveau, parcequ'on ne l'a remarqué ou cru remarquer que dans les racines de cette plante. Ces racines, si les expériences de M. Sanit-Simon sont concluantes, ne sont que des excrétoires, dans lesquelles la partie de la sève inutile à la plante se dépose, comme la partie la plus grossière du chyle se réunit dans une partie du fœtus, jusqu'a sa sortie du corps de la mère.

Čes racines sont, comme je l'ai déjà observé, des filets plus ou moins nombreux, d'inégale longueur, et blancs. On n'a point observé de pores dans aucune de leurs parties. Elles n'ont point de chevelus qui puissent attirer et absorber l'eau sèveuse. Enfin elles ne paroissent être pourvues d'aucuns des moyens dont se servent les autres racines pour fournir de la nourriture aux corps des plantes, ou en produire de nouvelles. Cette faculté paroit destinée au centre ou à la base de l'oi

gnon qui est entre les racines qui l'environnent, et qu'on appelle l'oeil de la racine. C'est cette partie qui a la faculté d'attirer et d'absorber l'eau séveuse, non que les racines ne soient utiles qu'à recevoir la partie grossière de la sève, car le mouvement ascendant et descendant de cette dernière doit se faire jusqu'à l'extrémité des racines où elle s'élabore comme dans le reste de la plante.

Cette opinion, extraordinaire au premier abord, acquiert de la force quand on suit avec attention la végétation de la jacinthe. On doit d'abord remarquer que cette végétation n'est jamais interrompue, même pendant les trois mois qu'on la tient hors de terre, quoiqu'elle se soit alors dépouillée de ses racines; car il est à observer que les racines sèchent et se détachent lorsqu'elles sont inutiles à la plante. Si on coupe un oignon à sa sortie de terre, on apercevra, comme je l'ai déjà dit, auprès de la tige les pointes des feuilles et l'extrémité de la fleur pour l'année suivante; mais cette pousse excède rarement une ligne; au moment de mettre l'oignon en terre, elle s'est accrue au point de le traverser en entier, et d'être visible au niveau des tuniques, et souvent même de le surpasser en hauteur. Si on le coupe à cette époque, on trouve au milieu des feuilles la tige qu'elles recouvrent seulement de leurs extrémités qui se reploient assez sur elle pour la garantir. Cette tige est déjà garnie de tous ses boutons de fleurs.

L'oignon paroît avoir accumulé, pendant qu'il étoit en terre, la nourriture nécessaire pour le développement de sa fleur et de ses feuilles; et si on le met dans l'impossibilité de pousser des racines, il n'en fleurit pas moins, comme lorsqu'on le pose sur un vase rempli d'eau, la tête dans l'eau et la base en l'air. La tige descend ainsi que les feuilles; et, ce qu'il y a de singulier, elle descend verticalement, contre la marche ordinaire des plantes et des semences, dont la pousse tend, en formant un demi-cercle, à reprendre sa situation naturelle quand on l'a plantée en sens contraire.

La petite variété bleue, qui fleurit au mois de janvier, pousse ses feuilles et fleurit sur les tablettes sans racines comme les scilles et les colchiques; mais ces dernières plantes ne poussent que leurs tiges et point de feuilles.

que

Les racines paroissent dans ces deux cas inutiles à la végétation de la plante qui ne peut se procurer de nourriture que par l'air ambiant l'oeil de la racine absorbe, et par ses feuilles quand elles sont poussées. Il est vrai que la végétation n'est pas aussi forte qu'elle le seroit dans l'état naturel, et que l'oignon, après avoir donné sa fieur, ne pourroit pas fournir assez nourriture pour amener ses graines à maturité; sans doute qu'une partie de la sève nouvelle qu'il absorbe en terre, pen

de

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